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PRÉFACE.


malignité d’un ulcère, les douleurs les plus aiguës laissent quelque relâche pendant la nuit à ceux qui en sont tourmentés ; mais, dit Plutarque, la superstition ne donne pas de trêve, elle ne permet pas à une âme de respirer un seul moment ; et les gens superstitieux, lorsqu’ils sont éveillés, s’entretiennent encore de leurs illusions et ne peuvent concevoir qu’il n’y ait rien de réel dans ces fantômes qui les épouvantent. »

La superstition, qui consiste dans des croyances et des pratiques qui sortent des règles fixées par l’Église, se rattache encore aux hérésies, aux schismes, aux excès de tout genre. Ce n’est pourtant pas à elle qu’il faut attribuer, comme l’ont fait les calvinistes, le massacre de la Saint-Barthélemi, coup d’État tout politique dont l’histoire n’est pas redressée encore ; ni les carnages reprochés aux premiers conquérants de l’Amérique, crimes des passions humaines ; ni l’inquisition, institution jugée chez nous jusqu’ici sur les données les plus perfides et les plus fausses.

L’auteur de ce livre, dans les deux premières éditions qu’il en a faites, est tombé lui-même d’une manière déplorable dans les écarts qu’il condamne ici. Entraîné hors du sein de l’Église, centre unique de la vérité, il s’est égaré dans les sentiers d’une philosophie menteuse, et il a semé ses écrits d’erreurs qu’il déteste et désavoue. Rentré dans l’Église romaine par une grâce de la bonté de Dieu dont il n’était pas digne, il a pu reconnaître depuis que l’Église seule a les moyens de combattre efficacement, comme elle les a toujours combattus, les égarements superstitieux et les travers absurdes de l’imagination.

Pour ne citer que quelques témoignages, saint Augustin dit que les superstitions sont l’opprobre du genre humain. Origène les condamne avec plus de force que les encyclopédistes mêmes, et surtout avec plus de poids. Le pape Léon X notait d’infamie ceux qui se livraient aux divinations et autres pratiques superstitieuses. Le quatrième concile de Carthage les exclut de l’assemblée des fidèles. Le concile provincial tenu à Toulouse en 1590 ordonne aux confesseurs et aux prédicateurs de déraciner, par de fréquentes exhortations et par des raisons solides, les pratiques superstitieuses que l’ignorance a introduites dans la religion. Le concile de Trente, après avoir condamné diverses erreurs, enjoint formellement aux évêques de défendre aux fidèles tout ce qui peut les porter à la superstition et scandaliser le prochain.

Ce qui peut-être n’a pas été remarqué suffisamment au milieu des clameurs intéressées des philosophes, c’est que les seuls hommes qui vivent exempts de superstitions sont les fidèles enfants de l’Église, parce qu’eux seuls possèdent la vraie lumière. Lesdouteurs au contraire semblent tous justifier cette grande parole, que ceux qui se séparent de Dieu ont l’esprit fourvoyé ; car, parmi eux, les plus incrédules sont aussi les plus superstitieux, Ils repoussent les dogmes révélés ; et, comme Johnson, ils croient aux revenants ; comme Rousseau, ils ont peur du nombre 13 ; comme Bayle, ils ont un préjugé contre le vendredi ; comme Volney, ils recherchent l’explication des songes ; comme Helvétius, ils consultent les tireuses de cartes ; comme Hobbes, ils étudient l’avenir dans des combinaisons de chiffres ; comme Voltaire, ils redoutent les présages. On a cité un savant de nos jours qui poursuit l’élixir de vie ; un mathématicien célèbre qui croit les éléments peuplés par les essences cabalistiques ; un philo-