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que jamais de sa personne, bien qu’il soit si fiévreux, si épuisé, si maigre qu’on croit à un poison qui le ronge, — la gale de Toulon, sans doute rentrée par les remèdes. Il tient à peine debout quand, au pont fameux d’Arcole, si bien fait pour l’image, le général en chef doit s’élancer en avant, un drapeau à la main, donnant l’exemple, répétant le passage du pont de Lodi, l’un et l'autre destinés à se confondre comme la minute héroïque à grandir pour la légende. Lannes est blessé, Muiron tué en le couvrant de leurs corps. Il tombe lui-même dans le marais qui le met à l’abri de la mitraille, mais d’où son frère Louis et Marmont le retirent juste à temps pour qu’il ne soit pas pris. Enfin, après trois rudes journées, Alvinzi est battu mais échappe. Du moins la retraite de cette armée redoutable, dont l’arrivée a troublé les plus braves, a rendu aux Français « la confiance et le sentiment de la victoire ».

Une pause où les adversaires se refont. En janvier 1797, sixième campagne. Alvinzi, rentré en ligne, est encore battu à Rivoli, et son lieutenant Provera, qui a franchi l’Adige pour débloquer Mantoue, capitule à La Favorite. Cette fois, Wurmser, toujours assiégé, n’a plus qu’à se rendre. Bonaparte fait à ce vieux soldat des conditions honorables. Il dédaigne d’assister à sa reddition. Indifférence « remarquée dans toute l’Europe » et plus propre encore à frapper les esprits que si l’on avait vu l’illustre généralissime remettre son épée à un vainqueur qui n’a pas trente ans.

C’est que Bonaparte ne se repaît pas de théâtre. Il sait que sa situation reste difficile, que l’Autriche n’est pas encore vaincue, que l’Italie, qui semble soumise, se tournera contre lui à son premier échec. Et le Directoire ne rend pas sa tâche plus aisée. Il lui envoie toujours des ordres auxquels il faut se dérober parce que, mal calculés, l’application en serait funeste. Il lui envoie même Clarke, « un es-