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CHAPITRE VI

« CETTE BELLE ITALIE »


Il n’a pas encore vingt-sept ans. Il est à peine connu. Les cours étrangères ne le prennent pas au sérieux. Leurs agents leur ont signalé le nouveau commandant en chef de l’armée d’Italie comme un « Corse terroriste », un général sans expérience de la guerre, pas plus redoutable que celui qu’il remplace, ce Scherer, tenu en échec depuis des mois. Mal peigné, il vient commander des soldats en guenilles, qu’il appelle lui-même des brigands, une trentaine de mille hommes qui manquent de tout, qui vivent misérablement de maraude, et qui, en face d’eux, ont les armées du Piémont et de l’Autriche. La coalition n’est pas inquiète.

Pourtant, le jeune général emporte un programme auquel il se conformera d’abord avec discipline, un plan de campagne que Jomini qualifiait de remarquable. Bonaparte l’exécutera de point en point, admirablement à la vérité. Il ne songe pas encore à voler de ses propres ailes. C’est le succès qui lui donnera de l’assurance. Peu à peu, par le sentiment qu’il aura de voir, sur place, les choses mieux qu’on ne les voit à Paris, il s’affranchira de ses instructions. Par là, il se rendra indépendant, il deviendra une puissance et quand la République prendra ombrage du général victorieux, il sera trop tard. Ayant le Consulat, il y aura eu le proconsulat d’Italie. Ce que la Gaule avait été à César, l’Italie l’aura été à Bonaparte.