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séphine lui plaisait, et beaucoup, sérieusement. Tout de suite elle l’avait pris, et tout de suite il voulut, avec l’amour, le mariage. Sa carrière s’annonçait bien. Ils pensèrent, lui qu’il avait les moyens d’épouser la femme de son goût, elle qu’autant valait celui-là qu’un autre. Ce Corse amoureux et fougueux, vingt-six ans quand elle en avait trente-deux bien sonnés, elle le trouvait « drôle ». Facile, indolente, elle se laissait aimer. Surtout elle était « aux abois ». Et il était temps de faire une fin. Le mariage, Bonaparte ne le proposait pas, il le demandait à genoux. Il était attaché par le cœur, un peu par la vanité. C’est un lieutenant amoureux d’une femme du monde. « Il s’imaginait, dit Marmont, faire un plus grand pas dans l’ordre social que, quinze ans plus tard, lorsqu’il partagea son lit avec la fille des Césars. » Il racontait lui-même à Gourgaud que Barras lui avait conseillé d’épouser Joséphine. Elle tenait « à l’ancien régime et au nouveau », ce qui donnerait au jeune général « de la consistance » et ce qui le « franciserait ». A-t-on remarqué à ce propos que jamais Bonaparte ne semble même avoir songé à prendre femme en Corse ?

Joséphine accepta, tricha sur son âge devant l’officier de l’état civil. On ne passa pas par l’église, et pour cause. Témoins, Tallien et Barras dont on dit qu’il a connu très intimement la mariée. La dot de Joséphine, ce sont ses relations dans la noblesse républicaine. La dot de Bonaparte est plus belle, mais, par son entregent, sa maîtresse n'a pas médiocrement aidé à la faire. Quand leur liaison est légitimée, le 9 mars 1796, il y a sept jours qu’il est nommé, par décret du Directoire, général en chef de l’armée d’Italie, et deux qu’il a reçu sa lettre de service.

Les quatre mois qui se sont écoulés depuis sa première visite rue Chantereine, il ne les a pas employés seulement à l’amour. Vendémiaire lui a fourni l’occasion de montrer aux chefs de la République qu’ils