Page:Jacques Bainville - Napoléon.djvu/72

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

CHAPITRE V

PREMIÈRE RENCONTRE AVEC LA FORTUNE


En octobre 1795, deux événements s’accomplirent dont la conjonction devait faire un empereur. Si l’on ne tient fortement cette chaîne, si l’on n’entre au cœur des choses, la carrière de Napoléon est inexplicable. Car il ne suffisait pas qu’il eût, et largement taillée, l’étoffe d’un dictateur. Il fallait encore, comme il l’a dit, « les circonstances ». Ici, nous touchons à celles qui rendront la dictature nécessaire et qui permettront à Bonaparte de la saisir après qu’elles lui auront donné l’occasion de sortir de la foule obscure.

Tandis qu’il végétait à Paris, des changements s’étaient produits dans la République. Tirant les conséquences du 9 thermidor, les conventionnels venaient d’établir une nouvelle Constitution. Le règne d’une assemblée unique avait amené la tyrannie de Robespierre qu’il avait fallu briser. La concentration du pouvoir dans le Comité de salut public n’était qu’un expédient pour temps de crise. On ne pouvait plus se dispenser de fonder un gouvernement régulier. Le risque était de faire quelque chose qui, ressemblant trop à une monarchie parlementaire, enterrerait la Révolution. Alors les hommes qui s’étaient compromis dans les jours terribles, les « votants », ceux qui s’étaient marqués pour toujours par le régicide, pierre de touche des sincérités révolutionnaires, seraient mena-