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Ses journées, il les passe à rendre des visites, à entretenir ses relations, à connaître le monde ou plutôt, ce qui le remplace alors, un demi-monde dont Barras est l’ornement, à rôder au ministère de la Guerre en quête d’un emploi. Car il n’est pas abattu. Son esprit travaille et il fait « mille projets chaque soir en s’endormant ». Il en soumet à la division du Comité de salut public qui est chargée des plans de campagne, et, comme il y montre sa connaissance de l’Italie où les opérations, sous Kellermann, ne sont pas heureuses, il est attaché au bureau topographique. On le consulte comme le spécialiste du front italien. Mais, à ce moment, il apprend que le sultan demande à la République des officiers d’artillerie. L’Orient, où l’on ne fait pas seulement du grand mais du grandiose, le tente. L’idée que par là on peut atteindre la puissance anglaise est déjà dans l’air. Et puis, une mission à l’étranger paye bien. Par deux fois Bonaparte se propose pour organiser l’armée turque. Il est désigné, il est prêt à partir, il emmènera même une partie de sa famille à Constantinople lorsqu’un contre-ordre survient. Un membre du Comité, probablement d’après une note des bureaux, a fait observer que la présence du général était plus utile au service topographique. Sans l’obscur Jean Debry, Bonaparte allait manquer la première grande occasion de sa vie, celle qui déterminera le reste. Ainsi, dit justement un de ses historiens, Cromwell avait été retenu en Angleterre au moment où il s’embarquait pour l’Amérique.

En attendant que l’occasion paraisse, ces mois d’août et de septembre 1795 sont parmi les plus incertains de la vie de Napoléon, un jour bien bas, un autre jour plein d’espoir. « Si cela continue, mon ami, je finirai par ne plus me détourner lorsque passe une voiture », écrit-il à Joseph. Et dans une autre lettre, un mois plus tard : « Je ne vois dans l’avenir que des sujets agréables. » Cepen-