Page:Jacques Bainville - Napoléon.djvu/68

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Car, en dépit des services qu’il vient de rendre, il ne se relève pas de la suspicion dont il est frappé depuis le 9 thermidor. Du reste, la guerre offensive est décidément abandonnée, Bonaparte retombe aux emplois obscurs, à l’organisation de la défense des côtes en Méditerranée. À Paris, les bureaux de la guerre se méfient des officiers de l’armée d’Italie dont l’esprit est réputé mauvais et infecté de jacobinisme. On les disperse dans différents corps. En mars 1795, Bonaparte, rappelé du front italien, est désigné pour l’armée de l’Ouest, c’est-à-dire pour la Vendée.

Il refusa. Était-ce répugnance à se battre contre des Français, profond calcul pour ménager l’avenir ? Pourtant, à Toulon, il a pris part à la guerre civile. Il canonnera bientôt les royalistes sur les marches de Saint-Roch. Marceau, Kléber, Hoche ont combattu les Vendéens sans ternir leur réputation, en montrant même que les chefs militaires étaient plus humains que les civils et la férocité ailleurs qu’aux armées. Mais il ne plaît pas à Bonaparte d’être enlevé à l’Italie. Il n’aime pas les petits théâtres et, en Italie, il y a de grandes choses à faire. Il ne lui plaît pas davantage d’apprendre, en arrivant à Paris, qu'on lui destine une brigade d’infanterie. Artilleur, il croit déchoir. Il a une explication très vive, au Comité de salut public, avec Aubry, un modéré qui se méfie des officiers « terroristes », et avec raison, car il sera déporté à Cayenne après fructidor. À la fin, Bonaparte, pour refus de se rendre à son poste, sera rayé des cadres de l’armée.

Refus qui n’arrange pas ses affaires, qui semble presque absurde et qui lui vaudra d’assez vilains jours. Il n’en fait qu’à sa tête et, né pour commander, il met son orgueil à désobéir. Pourtant, il n’a pas les moyens d’être indépendant et le retrait d’emploi tombe mal. C’est le temps où l’assignat se déprécie, où, de semaine en semaine,