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la réaction thermidorienne, craignant pour eux-mêmes, les représentants du peuple à l’armée d’Italie dépassent les instructions nouvelles que le Comité leur envoie. Alors Bonaparte put mesurer la lâcheté humaine. Albitte, Laporte, Saliceti lui-même, son protecteur, son ami, ne veulent plus rien avoir de commun avec le « faiseur de plans » de Robespierre et de Ricord. La frayeur le leur rend suspect. Ils ont failli être compromis. Les collaborateurs de la veille ne sont plus que « des intrigants et des hypocrites » qui les ont « joués ». Ce Buonaparte était « leur homme ». Ce doit être un traître. Une mission, une enquête, dont Ricord l’avait chargé à Gênes, leur apparaît comme un sombre complot, en rapport avec celui de la faction que la Convention vient d’abattre. Onze jours après le 9 thermidor, par leur ordre, le général d’artillerie est mis en état d’arrestation.

On le relâche bientôt, non sans qu’il ait protesté contre une accusation inepte, non sans que ses camarades, Marmont et Junot surtout, aient joint leurs protestations aux siennes. On le relâche, faute de preuves d’abord. Et puis l’ennemi, voyant que les Français hésitent, a repris courage et devient menaçant. Bonaparte est délivré, son commandement lui est rendu parce qu’on ne trouve personne pour le remplacer. Il conseille de prévenir l’attaque et, le 21 septembre, les Autrichiens sont battus à Cairo. Cependant le compte rendu de Dumerbion au Comité, tel du moins qu’il est lu à la Convention, ne parle ni du général d’artillerie ni de ses savantes combinaisons. Le succès de Cairo n’eut pas de lendemain. Mais, dans ces opérations qui annoncent et préparent des victoires plus éclatantes, Bonaparte, se servant de l’expérience qu’il vient d’acquérir sur le terrain, entrevoit les lignes d’un plan plus vaste et plus complet, un plan qu’il exécutera quand il commandera en chef à son tour et qu’il aura eu le temps de mûrir.