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la rébellion du Midi. Après avoir réduit Avignon, Nice et Marseille, Carteaux avait mis le siège devant Toulon insurgé qui avait appelé les Anglais. Le jeune capitaine, rejoignant Nice avec son convoi, s’arrêta au quartier général de Beausset pour faire visite à son compatriote Saliceti. Par fortune encore, il se trouva que le chef de bataillon Dommartin, commandant de l’artillerie, venait d’être blessé grièvement. Saliceti proposa que sa place fût donnée au « citoyen Buonaparte, capitaine instruit ». L’autre représentant, Gasparin, acquiesça. Les Convois s’en allèrent à Nice comme ils purent. Le Capitaine avait enfin un poste d’action.

S’il fut à même d’y montrer la justesse de son coup d’œil et son esprit d’initiative, il ne faudrait pas exagérer l’impression que produisirent ses talents militaires. La légende s’est emparée plus tard, mais assez tard, du grand Napoléon au siège de Toulon. Ce qu’il y eut de plus remarquable dans la part qu’il prit aux opérations, on ne pouvait alors ni le savoir ni l’apprécier et ses plus grands admirateurs eux-mêmes semblent à peine s’en être aperçus.

Onze années après, le jeune prince de Bade disant qu’il n’y avait rien à voir à Mayence, l’empereur lui répondit avec vivacité qu’il se trompait, qu’à son âge, chaque fois qu’il avait du temps à passer dans une ville, il l’employait à examiner les fortifications et c’est ce qu’il avait fait à Toulon quand, petit officier, il s’y promenait en attendant le bateau de Corse. « Qui vous dit que vous ne devrez pas un jour assiéger Mayence ? Savais-je alors que j’aurais à reprendre Toulon ? »

On tient ici un des secrets de Napoléon et l’une des justifications de sa fortune prodigieuse. La rapidité de la conception, la sûreté du coup d’œil, il les a, mais nourries d’étude. Eût-il su, en arrivant à l’armée de siège, par où il fallait attaquer Toulon, si, naguère, en passant là pour s’embarquer, il n’y