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LA TRANSFIGURATION

parte, sont couverts de honte. Ce qu’ils déclaraient absurde et impossible s’est accompli. Les mots ont donc cette action ? Là-bas, sur son roc, celui que ses anciens soldats appelaient tantôt l’Homme et tantôt l’Autre, le savait bien. Par le Mémorial, le testament, des paroles bien rythmées, il a restauré sa dynastie.

Le second Empire répète le premier, sans génie, et s’effondre comme lui par l’invasion. Sedan ne fait nul tort à Austerlitz, pas même à Waterloo. L’invective qui vient meurtrir Napoléon le Petit s’arme encore de Napoléon le Grand.

Le césarisme est réprouvé. La figure du César, vaincu et renversé pour la troisième fois dans son pâle héritier, n’en resplendit que mieux. Désormais sa puissance est spirituelle. Il devient professeur de guerre, professeur d’énergie. On lui demande des exemples, des leçons, une doctrine. Il donne tout. Et, même quand ses disciples sont battus, ce n’est pas sa faute, ce n’est pas la faute de son école, c’est la leur.

L’Europe livre des batailles qui réduisent les siennes à de médiocres proportions. On doute qu’à ces masses armées, à ces fronts gigantesques son génie même eût été égal. Et rien n’arrête de dire : « S’il eût été là… » À cette guerre, succèdent des bouleversements inouïs. On pense encore à Napoléon. Déjà ce fléau de Dieu n’a-t-il pas été l’instrument des grandes transformations de l’Europe ? Déjà n’était‑ce pas à lui qu’on rapportait des effets dont ses guerres avaient été la cause ? La guerre est une révolution comme les révolutions sont la guerre. Soixante batailles rangées livrées par Bonaparte ont laissé derrière elles un monde nouveau. Alors il semble le père d’une société dont il n’a été que l’accoucheur. Et le travail de Sainte-Hélène fructifie. Tout peuple le regarde à la fois comme son tyran et son libérateur. Il apparaît comme une des plus grandes forces révolutionnaires de l’histoire,