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NAPOLÉON

L’acte par lequel il cédait, non plus aux rois coalisés, non pas même à Fouché, mais à La Fayette, à Lanjuinais, aux libéraux, aux parlementaires, il le dicta de sang-froid, attentif, selon Gaudin, « à en soigner les phrases et à en choisir les expressions ». Il relut à plusieurs reprises, corrigea, et lorsqu’il fut content du texte, le fit porter aux Chambres. Son pouvoir n’est plus que dans le style, dans l’art de frapper des formules.

Et maintenant, ayant renoncé à tout, liquidé l’aventure de ces Cent-Jours, peut-être, comme Carnot croyait l’avoir discerné, satisfait d’être soulagé de toute responsabilité, l’empereur déchu n’est plus, à Paris, qu’un embarras. On a hâte de le voir dehors. Il s’attarde à l’Élysée, réclamant des garanties, un sauf‑conduit pour se rendre en Amérique. Comme à Fontainebleau, c’est un militaire, c’est Davout, qui vient lui signaler froidement qu’il gêne, qu’il aille attendre ses papiers ailleurs. Cependant, pour les Alliés qui approchent, il n’est qu’un prisonnier évadé, un convict à la discrétion de ceux qui s’empareront de lui. De cette position désespérée, humiliée, il aura à se relever encore.

Il s’était réfugié à Malmaison, lieu de souvenirs, laissant s’accomplir son destin, n’attendant plus rien que du hasard. Hortense, qui est là chez elle, qui vit avec lui ces dernières journées, est effrayée de son inaction, de son apathie. Pour s’embarquer, gagner l’Amérique, rester libre, il perd un temps irréparable. Il repasse sa vie écoulée comme un songe. Il pense aux jours d’autrefois, à la morte : « Il me semble toujours la voir sortir d’une allée. Pauvre Joséphine ! » Il reçoit encore Marie Walewska, son fils et son autre enfant naturel, le « comte Léon », qui ressemble tant au roi de Rome qu’il en parle tout un matin. Et des regrets : « Que c’est beau la Malmaison ! N’est-ce pas, Hortense, qu’il serait heureux d’y pouvoir rester ? » Il a, un moment, accepté l’idée d’une retraite aux États‑-