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et, sans y participer, est pourtant intéressé à en prévoir le cours. Il se tient en contact avec les députés corses. Par leur recommandation au ministre de la guerre, il se fait réintégrer dans l’armée. Il obtient, l’indiscipline était alors moins grave que le crime de contre-révolution, que le rapport sur les émeutes d’Ajaccio n’ait pas de suite. Il se dispose enfin à rentrer dans un régiment avec le grade de capitaine et, les hostilités ayant commencé entre l’Autriche et la Prusse, à prendre part à la campagne, lorsque ses idées changent brusquement.

La déchéance de Louis XVI, l’abolition de la monarchie, les fâcheux débuts de la guerre lui donnaient à penser que la « combustion » deviendrait une vaste anarchie où la France se décomposerait. Alors l’indépendance de la Corse se produirait naturellement. Repris par son vieux rêve, il veut être là, voir ce grand jour, prendre une place dans son pays libéré. La fermeture de la maison de Saint-Cyr où était élevée sa sœur, la nécessité de reconduire cette jeune fille auprès de sa mère, l’insécurité de Paris (on suppose qu’il resta caché, avec Elisa, pendant les massacres de Septembre), lui fournissent un nouveau prétexte pour rentrer au pays. Le capitaine Bonaparte s’intéresse peu à ce qui se passe en Argonne. Il est à Marseille, attendant un bateau, lorsque tonne le canon de Valmy. Il a l’air de tourner le dos à la fortune avec obstination.

Sans doute, ce sera son dernier séjour dans l’île. Il faudra qu’elle le chasse pour qu’il y renonce.

Tout de suite il fut abreuvé d’amertumes. On avait soumis au gouvernement révolutionnaire une idée qui fut trouvée admirable ; c’était de conquérir la Sardaigne. Bonaparte, avec son bataillon de gardes nationales corses, fut de l’expédition qui devait commencer par un débarquement aux îlots de la Madeleine, en face de Bonifacio. C’était sa prémière campagne et il se promettait d’y briller. Tandis que la Révolution était à son paroxysme,