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NAPOLÉON

pendaient toujours des événements de guerre. Mais si, par une faveur inouïe de la fortune, Napoléon avait infligé aux Alliés la grande défaite à laquelle tendaient ses combinaisons, eût‑il obtenu plus qu’après tant d’autres victoires ? Eût-il obtenu mieux que tant de paix magnifiques qui n’avaient été que des trêves ?

Tout ce qu’un grand capitaine peut imaginer, il le tenta encore, prendre l’ennemi de flanc, de revers, — la plus haute école, de savantes manœuvres. La plus belle, le mouvement sur l’Aisne qui devait achever la destruction de Blucher, manqua le 3 mars par la capitulation de Soissons. La fureur de Napoléon fut inexprimable. Il demandait qu’on lui amenât sur l’heure le commandant de la place qui s’était rendu, qu’on fusillât le misérable. « À dater surtout de ce jour fatal » on vit chez l’empereur « une profonde tristesse », traits contractés, sourires forcés, la mort qu’il cherche dans les derniers combats et qui se refuse à lui. Il n’existait plus qu’une ressource, soulever la France contre l’envahisseur, non seulement la résolution de 1793 mais la résolution plus farouche de l’Espagne et de la Russie. Il y pensa : « Quand un paysan est ruiné et que sa maison est brûlée, il n’a rien de mieux à faire que de prendre un fusil. » De pareilles intentions, à peine connues, devinées, accroissaient le désir de la paix dans les régions qui n’étaient pas envahies. Et le duc d’Angoulême allait entrer à Bordeaux.

La victoire, pendant quelques jours, Napoléon eut l’illusion de la tenir. L’ennemi « croyait le voir partout ». Du 16 au 19 mars, par son retour offensif sur l’Aube, il oblige les Alliés à une retraite précipitée, les met en désarroi, effrayés à l’idée que leurs communications seront coupées, que l’Argonne, la Lorraine, la Bourgogne s’insurgeront contre eux. Il s’en fallut de vingt-quatre heures que François II, « papa François », ne fût pris.