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LE REFLUX ET LA DÉBÂCLE

le passé, les préjugés gothiques et les institutions de mon siècle ; je me suis trompé et je sens aujourd’hui l’étendue de mon erreur. Cela me coûtera peut‑être mon trône, mais j’ensevelirai le monde sous ses ruines. » Et il redit l’idée qui le hante, que, « soldat parvenu », il n’est pas comme ces souverains nés sur le trône qui peuvent être battus vingt fois et rentrer dans leur capitale. Propos pénibles, que Metternich accueille avec froideur. Et propos sans suite, comme d’un homme troublé qui cherche l’issue et ne la trouve pas. « Pensez-vous me renverser par une coalition ?… Plus vous serez nombreux, plus je serai tranquille. J’accepte le défi… Au mois d’octobre prochain, nous nous verrons à Vienne. » Puis, revenant à la bonhomie, pour finir : « Savez-vous ce qui arrivera ? Vous ne me ferez pas la guerre. »

À ce dernier mot, Metternich se flatte d’avoir répliqué : « Vous êtes perdu, Sire. » Il le tenait. Il avait distingué, comme le notait de son côté Marmont, que Napoléon « reconnaissait clairement la propension de l’Autriche à devenir une ennemie mais se refusait toujours à croire qu’elle s’y décidât », À Dresde, l’état‑major de l’empereur avait montré à Metternich des visages tendus, lui avait adressé des questions inquiètes. Napoléon lui-même, niant que son armée fût lasse, avait avoué que les généraux voulaient la paix. Ils la voulaient plus encore qu’il ne pouvait en convenir et, tous les jours, c’étaient des « harassements » de leur part, des reproches qu’il lisait dans les yeux, des discussions qu’il avait à soutenir. Connue à Dresde le 30 juin, la nouvelle du désastre de Vittoria, de l’évacuation et de la perte de l’Espagne redoublait ces murmures, ces mécontentements, ces sollicitations sans lesquelles on ne comprendrait pas l’abandon de Fontainebleau, dans huit mois. Déjà Napoléon doit rendre des comptes. « Tôt ou tard on reconnaîtra que j’avais plus d’intérêt qu’un autre à faire la paix, que je le savais et que, si je ne l’ai pas faite,