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LE REFLUX ET LA DÉBÂCLE

considérations. Ne pas perdre le contact avec la cour de Vienne est son principe. Jusqu’ici il n’a eu devant lui que les Russes et les Autrichiens ou les Prussiens et les Russes réunis. Il n’a pas eu à combattre de coalition générale. Par‑dessus tout, c’est ce qu’il voudrait éviter, parce que, dans le moment où les forces de la France s’épuisent, il sent que ce serait la fin.

Alors ce sera la fin de toute façon. Du moment qu’il n’a pu, dans ce premier mois de campagne, obtenir des résultats décisifs, l’entrée de l’Autriche dans les rangs de ses ennemis est certaine, qu’il signe ou non l’armistice, qu’il accepte la médiation autrichienne ou qu’il ne l’accepte pas. Metternich file déjà sa défection, comme Alexandre, pour le mariage de sa sœur, avait filé un refus. Nous savons par lui‑même que son parti était pris et que François II, qui avait des « entrailles d’État », non des entrailles de père, ne devait s’arrêter ni à sa fille ni à son petit‑fils. Il avait déjà sacrifié Marie‑Louise à la politique en la mariant. Il la sacrifierait bien une seconde fois, l’heure étant venue d’effacer les défaites, d’abolir les traités et d’obliger la France à rentrer dans les limites d’où elle était sortie par la Révolution.

Ce n’est pas encore le dénouement, mais il approche. Par étape rapides, on revient à la situation de 1798, celle qui avait déterminé l’appel au soldat, brumaire, le Consulat, l’Empire. Ce règne s’est écoulé comme un torrent. Bonaparte est ramené, avec la France, au point où l’on en était à son retour d’Égypte. L’Europe l’a redouté. Quelquefois elle a pensé qu’il durerait plus longtemps qu’elle n’avait cru. Jamais elle n’a cru vraiment qu’il durerait toujours, qu’il eût ouvert autre chose qu’une parenthèse, que son effort prodigieux dût assurer à la France la possession éternelle des territoires que la Révolution avait conquis. Maintenant les rois s’enhardissent. Ils se disent que l’heure est venue.