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NAPOLÉON

La supériorité qu’il a prise dans les premières rencontres sur les généraux russes les déterminent à lui refuser le combat, ce qui contribue encore à l’attirer vers l’intérieur. Plus Napoléon met de science et de génie dans ses combinaisons et plus il oblige les Russes à reculer. Ils se retirent par calcul et par nécessité, pour obéir à l’ordre général et parce qu’ils « ne peuvent pas faire autrement ». Napoléon se plaint qu’ils « manquent de résolution » quand ils échappent. Dès qu’ils sont à sa portée, ils sentent de si près le désastre qu’ils en reviennent malgré eux au plan de la retraite méthodique et volontaire.

Le 18 août, Napoléon entre à Smolensk sans plus de résultat qu’à Vitebsk. C’était, avant de partir de Paris, le point extrême qu’il s’était assigné. Il ne devait aller jusque‑là que si la paix n’avait pas été conclue plus tôt, présumant que le tsar demanderait une réconciliation lorsque la Grande Armée serait parvenue à l’intersection des deux routes dont l’une conduit droit à Moscou, l’autre à Saint-Pétersbourg. Napoléon trouve une ville déserte et nue. Il comprend. Les Russes font le vide devant lui. C’est bien ce qu’on lui a tant dit, une autre guerre d’Espagne qui commence sur une aire plus vaste, presque infinie. Raison de plus pour aller vite, ne plus perdre de temps comme à Vilna, ne plus hésiter comme à Vitebsk. Savoir si l’on cantonnera pendant l’hiver à Smolensk est une question qui se pose à peine ou qu’on ne pose même plus, puisque la ville a été dévastée et n’offre pas de ressources. Il n’y a pas non plus à se demander si on ira imposer la paix à Moscou ou à Saint-Pétersbourg, puisque c’est la route de Moscou que l’armée russe a prise, et l’on fût allé à Kiev si elle avait pris le chemin de Kiev. Cette armée qui bat en retraite, elle est à portée de la main. Une marche rapide et la force principale de l’adversaire une fois rejointe sera anéantie. Ainsi, en poursuivant « le fantôme de la victoire ». Napoléon se trouve entraîné toujours