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LE 29e BULLETIN

vantail espagnol, reproduit à cette extrémité de l’Europe, étant celui que les deux adversaires agitent, avec une résolution d’ailleurs inégale. Appeler les Polonais à la révolte sans « indisposer » l’Autriche qu’il importe de ménager afin de ne pas rendre Alexandre irréconciliable, c’était déjà, cinq ans plus tôt, la difficulté. Alors, comme en 1807, Napoléon se sert de la Pologne, il ne la sert pas. Le 14 juillet, à Vilna toujours, lorsque les députés de la Confédération polonaise viennent remercier le libérateur, lui demander de poursuivre son œuvre, il enveloppe sa réponse de mais et de si, de réserves et de conditions.

C’est pourquoi la menace politique reste sans effet sur le tsar, tandis que la décision militaire n’est pas obtenue. À quel point, après avoir formé des plans si judicieux, Bonaparte est déçu et déjà entraîné ! Vilna, il se proposait d’y passer un an, deux s’il le fallait. De là serait conclue la paix avec la Russie, parce que, de là, il aurait conduit les opérations qui doivent se terminer par la destruction des deux principales armées russes. Avec une méthodique obstination, les généraux ennemis rompent le contact. L’empereur nourrit de profondes et vaines combinaisons. Il faut que la retraite de Bagration soit coupée, Barclay de Tolly accablé par des forces supérieures, selon le type des victoires que les Français gagnaient naguère avec leurs jambes. Seulement, sur un terrain difficile, à travers des espaces trop vastes, couverts de forêts et de marécages, les horaires précis ne peuvent plus être observés. Napoléon presse son frère Jérôme, ses généraux. Il les objurgue, les aiguillonne de ses ordres et de ses reproches, s’étonne qu’on ne soit pas, au jour dit, où il avait prescrit qu’on devait être, n’admet pas qu’on allègue les obstacles naturels, l’absence de ravitaillement, les hommes qui se fatiguent, la cavalerie qui fond. Il répète son amer refrain : « Je ne suis pas servi. » Il dit des paroles blessantes