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CHAPITRE XXI

LE 29e BULLETIN


Il est facile de dire, après l’événement, que Napoléon a été puni de sa témérité incroyable et qu’il ne pouvait échapper à un désastre en menant la Grande Armée jusqu’à Moscou. Il faudrait d’abord qu’il l’y eût conduite de propos délibéré. On cite de lui des propos fort extravagants où il développe des plans de Pyrrhus et de Picrochole, la marche sur le Kremlin n’étant qu’une étape pour passer dans l’Inde. Ces témoignages, suspects à divers titres, sont postérieurs à la campagne de Russie. Il est possible que Napoléon ait dit quelquefois qu’il irait jusqu’à Moscou s’il le fallait. Rien ne parut de cette intention au moment de son départ, et bien loin d’avoir eu le sentiment d’être téméraire, rien ne lui semblait prudent et raisonnable comme son dessein. D’ailleurs, blâmé d’avoir entrepris cette guerre, il a subi un autre reproche. On l’a accusé de l’avoir perdue par un excès de circonspection, pour ne pas dire de timidité.

Il est facile encore de soutenir qu’avec un peu de patience il fût venu à bout de l’Angleterre contre qui, à ce moment, se prononçaient les États-Unis, excédés de l’embargo qui pesait sur eux. S’il est vrai que les Anglais ne furent pas heureux dans cette nouvelle guerre d’Amérique, ils y avaient engagé peu de monde. En définitive, elle ne fut qu’un épisode et ne pouvait rien changer au cours des choses.