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LE ROI DE ROME

lacre de l’alliance et de la paix. Ce fut Alexandre qui prit l’initiative d’un ultimatum, sommant Napoléon de ne pas dépasser l’Elbe afin de l’obliger à découvrir ses intentions. On était au mois d’avril et l’empereur n’avait calculé l’ouverture des hostilités que pour le mois de juin.

Un moment encore, car ses prévisions étaient dérangées, il évita de relever le gant, se rassura quand il vit que le tsar ne prenait pas l’offensive, se figurant que la mise en demeure n’était qu’une tentative d’entrer en négociations. Sans ralentir d’une étape la marche de l’immense armée, il en appelle toujours à l’alliance, affirme son désir d’éviter la guerre, sa « constance dans les sentiments de Tilsit et d’Erfurt ». C’est la lettre datée du 25 avril, rédigée en vue de la paix prochaine, et qui, dans le style de Tilsit, en souvenir du radeau et des accolades, se termine par ces mots : « Si la fatalité devait rendre la guerre inévitable entre nous, elle ne changerait en rien les sentiments que Votre Majesté m’a inspirés et qui sont à l’abri de toute vicissitude et de toute altération. »

Également convaincus de l’« inévitable », les deux empereurs rusaient encore avec cette fatalité. Un incident fortuit hâta la rupture. L’ambassadeur d’Alexandre avait déjà à Paris une situation difficile depuis qu’un procès d’espionnage avait mis en cause l’attaché Tchernitchef. Ne recevant pas de réponse à l’ultimatum, ne recevant pas davantage d’instructions de Saint-Pétersbourg, Kourakine perdit la tête, demanda ses passeports. Maret ne se décida à les lui envoyer qu’un mois plus tard. Mais, de lui‑même, l’ambassadeur russe avait mis fin aux temporisations de son maître aussi bien qu’à celles de Napoléon.

On était le 7 mai. L’empereur part de Saint-Cloud le 9. Ce n’est pas sans des inquiétudes, des pressentiments. Ce n’est pas sans avoir jeté un coup d’œil sur ce qu’il laisse derrière lui. Le 17 avril,