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de Brienne, le P. Dupuy. Le 15 juillet 1789, il reçoit les premières observations du Minime, qui corrige le style, redresse des expressions fautives, efface des passages emphatiques. Le jeune auteur, tout à son ouvrage, n’est pas troublé par les nouvelles de Paris comme le fut, dit-on, le philosophe Kant, qu’on vit pour la première fois dérangé dans sa promenade lorsqu’il apprit l’assaut de la Bastille. La chute de la vieille forteresse ne figure pas plus dans les papiers du lieutenant que dans le journal de Louis XVI.

Chose plus importante pour l’orientation de sa vie, il sera absent de France durant la plus grande partie de la période vraiment révolutionnaire, la période de l’enthousiasme. Il sera en Corse du mois de septembre 1789 jusqu’à la fin de janvier 1791, puis d’octobre 1791 à avril 1792, enfin d’octobre 1792 à juin 1793. Il aura vu des épisodes de la Révolution française. Il ne l’aura pas vécue, il n’en aura respiré les passions que de loin, et, surtout, il ne s’y sera ni engagé ni compromis. Il y entrera quand elle sera déjà faite. De la tête et du cœur, il sera aussi libre envers la République qu’envers la royauté déchue.

À son deuxième congé, partait-il pour la Corse avec la pensée d’y jouer un grand rôle et d’être un autre Paoli ? Si précoce qu’il fût, il était pourtant à l’âge du désintéressement et de l’idéalisme. Et, pour les grandes ambitions, il était pareillement trop jeune. L’âge, les dates, l’harmonieux concours des circonstances le serviront encore ici. Plus vieux, plus mûr, pourvu d’un grade supérieur et plus en vue, peut-être eût-il, dans son pays, brigué et obtenu un siège de député aux assemblées révolutionnaires. Alors, encore une fois, sa destinée tournait, sa carrière était manquée.

Avec son frère Joseph, il fit bien de la politique en Corse mais assez petitement, quoiqu’il se remuât beaucoup. D’abord, en débarquant, une dé-