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NAPOLÉON

la moindre apparence d’une paix (de la Russie) avec l’Angleterre sera le signal de la guerre. » Puis, dans une lettre à Alexandre lui‑même, après lui avoir rappelé l’esprit de l’alliance, les mesures de précaution aux‑quelles l’a obligé le tsar : « Mes troupes ne s’armeront que lorsque Votre Majesté aura déchiré le traité de Tilsit. »

En être à recommencer Tilsit, à l’obtenir par la crainte, calculer les moyens d’intimider Alexandre sans se laisser soi‑même entraîner trop loin, produire l’effet et ne pas courir de risques ; considérer cependant que, si l’on ne fait rien, on se laissera devancer par le tsar, ce sont les idées que Napoléon agite sans cesse. Si seulement, pour faire face aux dangers de l’Est, il était tranquille de l’autre côté ! Toujours cette Espagne et à quel point elle l’ennuie ! Il faudrait qu’il s’y rendît en personne, comme il l’a promis, comme il l’annonce par trois fois. Ses chevaux l’attendent à Bayonne et maintenant il semble qu’il n’ose plus sortir de France, à peine quitter Paris, comme s’il craignait d’être encore rappelé par de mauvaises nouvelles. Et rien ne va dans la péninsule, après un mieux. Ses meilleurs généraux, Napoléon les y a essayés. Maintenant, c’est en Masséna qu’il a mis sa confiance et le défenseur de Gênes, le prince d’Essling, après qu’il s’est ouvert la route du Portugal, est arrêté devant les lignes anglaises de Torres-Vedras. Il faudrait du monde, plus de troupes que Napoléon n’en peut donner. Les 60.000 hommes que le général Foy vient lui demander, il les refuse. Il en reprendrait plutôt, pour refaire l’unité de la Grande Armée, pensant au danger de Russie. « Chancre » ou « boulet » jamais l’Espagne ne lui a été si lourde, si importune. N’en finira‑t‑on pas ? Mais sans donner à ses lieutenants les moyens d’en finir, il voudrait qu’ils fussent vainqueurs partout. La raison lui dit que toutes les forces dont il dispose au-delà des Pyrénées, il faudrait, sacrifiant le reste, les jeter