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NAPOLÉON

vernement, l’autre ne pouvait répondre qu’avec lenteur et rien ne serait plus faux que d’imaginer Napoléon et Alexandre échangeant des cartels, se donnant la réplique, les précautions réciproques prises coup sur coup devenant des provocations. L’âge de l’ultimatum télégraphique, des mobilisations instantanées, de l’irréparable créé en quelques heures n’était pas encore venu. Chacun des empereurs poursuivait son «évolution » loin de l’autre et, tout bien compté, il fallut, avant le choc, près de deux ans.

« Le système continental n’est efficace que s’il est établi partout. » Proposition évidente. Axiome qui a déjà mis sur les bras de Napoléon les affaires d’Espagne, de Portugal, de Rome, de Hollande. Ce n’est pas l’imagination, ce n’est pas le démon de la conquête ou de la gloire qui l’entraîne, c’est l’esprit de déduction. La réunion des villes hanséatiques a été annoncée au Sénat le 13 décembre 1810. Brême, Hambourg, Lübeck continueront la Hollande. Le royaume de Westphalie est amputé de ses rivages, le grand-duché d’Oldenbourg saute. Les embouchures de l’Escaut, de la Meuse, du Rhin, de l’Ems, du Weser et de l’Elbe sont « de nouvelles garanties devenues nécessaires ». Napoléon expliquera encore, la chose faite : « Ce n’est pas mon territoire que j’ai voulu accroître, mais bien mes moyens maritimes. » Il ferme d’autres portes d’entrée. C’est d’une logique irréprochable. Seulement il faudrait aussi fermer, au sud, la brèche turque, par laquelle des marchandises anglaises pénètrent en Europe centrale ; au nord la brèche suédoise et c’est ainsi que Bernadotte, prince royal de Suède, plutôt que de se soumettre, passera au camp ennemi. Sans compter maintenant la Russie qui, non seulement ne respecte plus le blocus, mais se plaint de la dépossession du grand-duc d’Oldenbourg, parent du tsar, indemnisé ou plutôt déplacé à l’intérieur de l’Allemagne comme un militaire est