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CHAPITRE XX

LE ROI DE ROME


Une série de scènes toutes faites pour la légende, c’est la vie de Napoléon. Voici, en 1811, le héros triomphateur au berceau de l’enfant-roi. Ce père heureux, l’an d’après le verra marchant sous la neige, un bâton à la main. Quel artiste, au mur de l’histoire, a disposé ces tableaux ?

L’homme sur qui plane une grande infortune attendrit. On se représente Bonaparte, à l’approche des mauvais jours, engourdi dans la satisfaction du mariage, amoureux de sa femme, « amoureux de l’Autriche, » et même, comme le disaient de niaises feuilles d’Allemagne qui le mettaient en fureur, amoureux de la pantoufle de Marie-Louise. On se le représente enivré de paternité, rêvant d’un empire qui ne sera jamais trop grand pour son fils. Et lui-même, il s’est souvenu de ce bref paradis, dans un soupir : « Ne m’était-il donc pas permis, à moi aussi, de me livrer à quelques instants de bonheur ? » Peut-être en avait-il goûté les minutes parce qu’il avait le cœur lourd. Pendant ces mois où la catastrophe se prépare, on cherche à voir l’empereur, à le pénétrer, à lever son masque de convention. Et peu d’hommes l’ont observé de sang-froid à ce moment où chacun commençait, à penser à soi-même, où beaucoup lui en voulaient de risquer sa fortune et la leur. Toujours appliqué à montrer un front serein, à ne pas répandre le