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NAPOLÉON

son mariage, l’espoir de la survie par la paternité, on le voit chargé du souci de ses prochaines décisions, incliné aux plus graves par l’idée que son alliance de famille avec l’Autriche lui permet d’oser davantage. Il a plus d’illusion que d’enivrement. Mais il ne tend pas l’arc de gaieté de cœur. Cette Espagne, son souci, dont il aime si peu à parler, l’inquiète toujours. Joseph et ses lamentations lui pèsent. C’est une erreur d’avoir mis ses frères sur des trônes. Il ne se le dissimule plus. Et parfois la pensée lui vient que le meilleur moyen de liquider l’affaire espagnole serait de rétablir Ferdinand VII à Madrid avec la garantie d’une reine française. Nouvel essai de rapprochement avec Lucien, qui, lui, ne consent pas à son propre divorce, toujours exigé pour la dignité de la famille impériale. Nouveau déboire. Lucien, pendant ces tentatives de réconciliation, a consenti toutefois à envoyer à Paris, chez la grand-mère, sa fille Charlotte, celle qu’on avait destinée un moment au prince des Asturies, qu’on lui destine peut‑être encore. La princesse Lolotte arrive, se tient fort mal, écrit à son père des lettres, lues au cabinet noir, où elle se moque de l’oncle, de la tante, de toute la cour. Impossible de compter sur elle pour un mariage d’utilité politique. Il faut la rendre à Lucien, qui d’ailleurs n’a accepté pour lui-même aucune des conditions de l’empereur. Entre les deux frères, c’est la rupture, et Lucien s’embarque pour les États-Unis. En route, accident ridicule, il est arrêté par les Anglais, qui le conduisent à Plymouth, le reçoivent avec toutes sortes d’égards, comme un témoin de la tyrannie de Bonaparte, une victime qui n’a pu trouver que sur le sol de la libre Angleterre un asile et la liberté.

Joseph continuera de régner dans un royaume qui l’ignore. Et les choses, dans la famille impériale, n’en vont pas mieux. Elle se disloque. Tandis que Lucien sera rayé de tout, Louis cesse d’être roi. Presque en même temps que Lucien quitte Civita--