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il aurait, non plus à entraîner quelques divisions dans les plaines d’Italie, mais à manier de grandes masses et à soutenir des batailles de nations. La guerre changerait de face. La méthode de Guibert ne suffirait plus, la stratégie napoléonienne serait désorientée. Ce jour-là, Napoléon, bien qu’il affirmât que rien n’était impossible, éprouvera la difficulté de se renouveler.

Ainsi les mois d’Auxonne seront des temps de travail et d’étude. Là encore s’exerce le don que Bonaparte a reçu en naissant et qui a été rarement poussé aussi loin, le don d’apprendre, de retenir, d’employer les connaissances qui viennent à sa portée. Il profitait au polygone et partout. Un jour, il est mis aux arrêts : « Heureux accident », dira son admirateur Rœderer. Dans la chambre où il reste enfermé vingt-quatre heures, il n’y a qu’un livre, les Institutes de Justinien. Il dévore le poudreux in-folio. Près de quinze ans plus tard, pendant la rédaction du Code civil, il étonnera le Conseil d’État en citant les lois romaines. D’une lecture de hasard, il avait assez retenu pour se trouver à l’aise avec de vieux juristes.

Pour que ces provisions de savoir pussent servir, pour que le lecteur du Digeste devînt législateur suprême, il fallait d’immenses événements. Ils approchaient. C’est d’Auxonne que Bonaparte assista aux débuts de la Révolution et dans un esprit qu’il importe de discerner et de définir, car une autre explication de sa carrière, et non pas la moindre, est là.

Aujourd’hui, la Révolution, rangée dans la catégorie des phénomènes politiques à laquelle elle appartient, se dépouille de sa légende. Elle a eu un développement qui s’est répété ailleurs, une pathologie qui n’est pas une exception. Elle a commencé par des désordres vulgaires, qui ont précédé et suivi la prise de la Bastille. Il y eut de ces désordres partout. Il y en eut dans la région bourguignonne