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NAPOLÉON

« renverser » les alliances mais de les compléter. À celle du tsar, Napoléon attache tant de prix qu’il veille surtout à ne pas la rompre. Sans doute le sens du refus était clair. Est‑il possible que, si Alexandre l’avait voulu, il n’eût pas donné à son ami une de ses sœurs ? Autocrate dans son empire, conçoit-on qu’il soit gouverné par sa mère ? Entre la mère et le fils, le jeu a été concerté. Ce n’est même pas une hypothèse. Lue par surprise dans les papiers de Kourakine, la preuve est là. Mais pas d’orgueil froissé qui tienne, et, d’ailleurs, la main de Marie-Louise est pour Napoléon une satisfaction d’amour-propre suffisante. C’est l’amour-propre d’Alexandre qu’il ménage, affectant d’entrer dans les raisons d’âge, de santé, de religion qui lui ont été opposées, assurant que le choix qu’il a fait d’une autre princesse « ne changera rien à la politique ». Loin de nuire à l’amitié de Tilsit, le mariage autrichien doit rapprocher les trois empereurs, Vienne, désormais, réunissant Paris et Saint-Pétersbourg au lieu de les diviser. « Douceur, discrétion, prudence. Évitez tout ce qui pourrait blesser. » Ce sont, à ce moment, les instructions de Caulaincourt.

Pourtant, comme cette ligne de conduite raisonnable est difficile à tenir ! Manquée, l’alliance de la famille avec la Russie fait douter de l’alliance politique, ce qui commande des précautions. Si Napoléon n’est pas sur ses gardes, il risque d’être dupe et de compromettre sa sécurité. Après tant de signes d’une bonne foi si médiocre, qui peut dire de quoi est capable cet Alexandre trop byzantin ? Peut-être, devenu son beau-frère Napoléon eût-il ratifié le traité déjà signé par Caulaincourt et par lequel la France s’engageait à ne pas laisser rouvrir le tombeau de la Pologne, à ne pas souffrir que le nom en fût seulement prononcé. Mais si Cambacérès a vu juste, si dans deux ans, l’empereur doit être en guerre avec la Russie, il aura encore besoin des Polonais, et, en