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NAPOLÉON

Antoinette et de Louis XVI dont Marie-Louise, leur petite-nièce et leur filleule, portait les deux prénoms.

Cambacérès, hostile au mariage autrichien comme la plupart des hommes de la Révolution, disait, quand rien n’était encore décidé : « Je suis moralement sûr qu’avant deux ans nous aurons la guerre avec celle des deux maisons dont l’empereur n’aura pas épousé la fille. » Pour que la prédiction fût complète, Cambacérès aurait dû ajouter qu’avant quatre ans l’empereur serait aussi en guerre avec l’autre. Alexandre ne donne pas sa sœur parce qu’il ne veut ni resserrer l’alliance, ni la confirmer. Le moins fourbe, en somme, c’est lui. L’empereur François, par la diplomatie matrimoniale qui est de tradition à Vienne, veut se prémunir contre de nouveaux coups et manquer aux traités, préparer une revanche sans éveiller de soupçons. Metternich l’avouera, Marie-Louise était livrée à l’ogre pour obtenir « un temps d’arrêt qui nous permît de nous refaire ». De son côté, Napoléon, mettant en balance les avantages des deux unions, pense qu’un beau‑père vaut mieux qu’un beau-frère, que l’empereur autrichien sera plus intéressé à maintenir sa fille sur le trône de France que l’empereur russe à y maintenir sa sœur. François et Metternich le laissent penser. C’est lui, le politique réaliste, qui fait fond sur les principes, sur les sentiments de famille, comme s’il n’était pas éclairé par la sienne, et sur les raisons de cœur, comme s’il ne savait pas les refouler. Ne voit-il pas combien, auprès de Sa Majesté Apostolique, la condamnation du pape elle‑même compte peu puisqu’on n’hésite pas à accepter pour gendre un excommunié dont le divorce n’est peut-être pas tout à fait régulier ? Car, pour rompre le mariage religieux de Napoléon et de Joséphine, impossible de s’adresser à Rome, ou plutôt à l’exilé de Savone. C’est l’officialité de Paris qui prononce, par ordre, l’annulation. Et le comité ecclésiastique