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LE GENDRE DES CÉSARS

bonne foi. On « filait un refus ». Napoléon, sans abandonner son idée, pressant Caulaincourt de revenir à la charge, commençait à sentir le besoin d’un mariage de rechange. Il n’avait pas répudié Joséphine pour rien. Quand tout le monde parlait pour lui de la sœur d’Alexandre, il ne pouvait pas non plus se rabattre sur la fille du roi de Saxe, ne pas épouser mieux que les princesses allemandes de Jérôme et d’Eugène, se trouver au niveau de Berthier, devenu neveu du roi de Bavière, un de ces rois que l’empereur lui‑même avait faits. Sans compter que, le roi de Saxe étant grand-duc à Varsovie, le tsar, toujours méfiant quand il s’agissait de la Pologne, prendrait ombrage de cette union. Enfin l’empereur de Russie n’accordait pas sa sœur. L’empereur d’Autriche offrait presque sa fille. Quelques raisons qu’eût Bonaparte de préférer une alliance de famille avec Alexandre, pour compenser celle‑ci, celle-là venait à point.

Il fallait le besoin qu’il avait de contracter une union « élevée », il fallait que son illusion sur les services qu’il en attendait fût grande, pour qu’il ne fût pas mis en éveil par l’empressement avec lequel on lui proposait l’archiduchesse Marie-Louise, Iphigénie sacrifiée à la politique. C’était comme si, à Vienne, on eût craint d’arriver trop tard dans la course au mariage. Les insinuations se pressaient, on avait recours à des entremetteurs. Le soir où Joséphine présida pour la dernière fois le cercle de la cour, assistant « avec une grâce sans pareille aux funérailles de sa propre grandeur », un secrétaire de l’ambassade d’Autriche confiait dans l’escalier à Sémonville, homme répandu et bavard, que Napoléon n’avait qu’à faire sa demande, qu’il était certain d’être agréé. On allait jusqu’a faire valoir, avec la fraîcheur et la belle santé de Marie-Louise, la fécondité des femmes dans la maison de Habsbourg. Si Napoléon n’entrait pas dans la famille d’Alexandre, il pouvait entrer dans celle de Marie--