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LE GENDRE DES CÉSARS

si l’empereur ne songeait pas à quelque Allemande, fille d’un des princes confédérés : « Vous n’avez pas d’idée comme il méprise tout cela ; il en est au point de croire qu’il n’y a rien d’assez élevé pour lui. » En effet, pour que l’union qu’il désire soit utile, il faut qu’elle soit haute, et elle ne peut l’être trop. À Daru, qui lui conseille de choisir une Française, ce qui serait agréable à la nation, Bonaparte répond que les mariages des souverains ne sont pas affaire de sentiment mais de politique. « Le mien ne doit même pas être décidé par des motifs de politique intérieure. Il s’agit d’assurer mon influence extérieure et de l’agrandir par une alliance étroite avec un puissant voisin… Il faut que je rallie à ma couronne, au‑dedans et au-dehors, ceux qui n’y sont pas encore ralliés. Mon mariage m’en offre les moyens. » Point d’orgueil. Et pas de mystère. Si Napoléon se détermine à « rompre un lien auquel il était attaché depuis tant d’années », c’est « moins pour lui que pour intéresser un État puissant à l’ordre de choses établi en France ». Le mariage doit être une assurance, l’enfant un « bouclier » la femme un paratonnerre. Tels étaient ses motifs et telles les pensées avec lesquelles, le 27 octobre 1809, il rentrait à Fontainebleau.

Sur l’épisode du divorce, sur la mémoire de l’abandonnée, il flotte une mélancolie. La romance de Napoléon et de Joséphine devient complainte. Quand Bonaparte songe à prévenir la chute de ce qui va s’effondrer, quand il est au bord de la ruine, la légende verse déjà dans l’élégie. Au vrai, il cherche, lui, une garantie et un moyen de salut. Elle joue, quant à elle, sa dernière carte et la rouée se retrouve à cette dernière page de leur feuilleton. Le jour où Napoléon, à son retour d’Autriche, prit le parti de lui signifier la rupture, Joséphine tomba évanouie. Comme la syncope se prolongeait, l’empereur, pour éviter un esclandre, appela le chambellan de service et tous deux por-