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NAPOLÉON

qui fasse des enfants. » Le divorce est désiré dans l’intérêt de tout ce qui s’est fait. Il n’y a plus un individu en France qui ne soit convaincu que la durée et la prospérité de la dynastie sont attachées à la fécondité du mariage de l’empereur. Depuis quatre ans, Fouché renouvelle ces propos. Il a même tenté de persuader Joséphine. Quelle belle page dans sa vie qu’un sacrifice volontaire au bien public ! Quand il comprend que l’empereur a décidé la séparation, Fouché se réjouit. Enfin nous allons « avoir une colonie de petits Napoléons ! » Il ajoutait avec cruauté qu’il n’y aurait pour blâmer le divorce, après les dévots et les frondeurs, « que les femmes de quarante à cinquante ans ».

En coûtait-il tellement à Bonaparte de répudier Joséphine ? Ce qui l’attachait, c’était l’habitude et, du moins on l’a dit, une superstition. Heureux tant qu’elle avait été avec lui, il perdrait en elle un porte-bonheur. Mais plutôt, il sentait le besoin d’un talisman plus sûr. La part faite du sentiment et du souvenir, la politique exigeait encore le divorce comme, au retour d’Égypte, elle lui avait conseillé le pardon. Peut‑être, ici, faut-il renverser les choses admises. Napoléon n’a pas eu le pressentiment que la fortune lui deviendrait infidèle quand il aurait répudié Joséphine. Il répudiait Joséphine parce qu’il sentait que la fortune allait l’abandonner. Il lui faut une alliance assez étroite, assez forte pour le mettre, en cas de revers et de péril, à l’abri d’une « ruine totale ». Seule une alliance à toute épreuve avec un des grands États du continent lui permettra de clore cette suite de guerres dont il veut « sortir à tout prix » parce qu’il sait qu’à la fin il ne manquerait pas de succomber. Et ce qu’il s’exagère maintenant, dans son besoin de se garantir, ce sont les vertus, la durée des pactes de famille. Le dépit trompait Joséphine, ou bien, dans sa tête d’oiseau des îles, elle ne comprenait pas la situation lorsqu’elle disait à Thibaudeau qui lui demandait