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LE REDRESSEMENT DE WAGRAM

plus grave, comme un acte d’hostilité au moment où il est en posture difficile, face à l’ennemi. L’excommunication le blesse parce qu’elle lui nuit d’autant plus qu’il ne peut la laisser sans réponse, et la réponse, qui aggrave tout, c’est l’arrestation du pontife, son enlèvement de Rome par les gendarmes du général Radet. Cela, comme pour l’exécution de Vincennes, comme pour le piège de Bayonne, Napoléon pourra dire que ce n’est pas sur son ordre exprès qu’on l’a fait. Les exécutants ont interprété, compris sa pensée. Loin de le blâmer, il fera de Radet un baron et il se contente de répéter son principe : « Il faut qu’une chose soit faite pour qu’on avoue y avoir pensé. » D’ailleurs, l’enlèvement du pontife aura lieu le jour même de Wagram. L’effet s’en atténuera par la victoire, et l’attentat sur la personne du pape sera encore, pour les cours catholiques et pour Sa Majesté Apostolique elle‑même, une « nécessité de la politique ». Hors de France, et en France, les croyants pourront appeler Napoléon l’Antéchrist. Ce n’est rien tant que la fortune lui est fidèle. Ce sera un des éléments de la catastrophe lorsque les grands revers seront venus.

Mais l’attention de l’empereur était fixée d’abord sur la bataille qui devait rétablir sa situation. Six semaines de préparation et de vigilance pour que, cette fois, toutes les chances soient de son côté, car il n’a plus les moyens de ne pas réussir. Alors il semble que le génie de l’homme de guerre grandisse avec la difficulté. Loin d’être troublé par la gravité de l’enjeu, comme il l’a été à Marengo, comme il le sera sur le dernier de ses champs de bataille, il est prodigieusement maître de ses facultés merveilleuses, et, après avoir tout apprêté dans le dernier détail, lucide d’esprit, dispos de corps le jour de la décision, il opère, sous le feu, une de ses plus belles manœuvres qui sauve la journée et la gagne. Le Danube est franchi, la position que tenait l’ar-