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est allé à Pise conquérir son diplôme de docteur en droit, de lui ramener une servante « qui fasse notre petite cuisine ». Une requête suprême pour les mûriers reste à tenter auprès de l’intendant de la Corse. Napoléon se rend à Bastia. Il y rencontre ses collègues de la garnison, dîne avec eux, les étonne par son « esprit sec et sentencieux », son « ton doctoral », les scandalise par des théories que nous nommerions aujourd’hui autonomistes et séparatistes. Et l’un de ces officiers français lui ayant demandé s’il irait jusqu’à tirer l’épée contre un représentant du roi dont il portait l’habit, Bonaparte, gêné, ne répondit pas. Il se mordit peut-être les lèvres, regrettant d’en avoir trop dit, lui, d’ordinaire renfermé, aussi prudent en paroles qu’il était exalté la plume à la main.

À force de renouveler son congé, il y avait plus de vingt mois qu’il était absent de son corps. En juin 1788, il fallut enfin rejoindre.

Sa garnison était Auxonne, toute petite ville de Bourgogne et siège d’une école d’artillerie que commandait le maréchal de camp baron du Teil, de qui relevait aussi le régiment. Bonaparte y restera jusqu’au mois de septembre 1789 et ce séjour sera fructueux. Car tandis que la France entre en révolution et que le service appelle le jeune lieutenant à la répression des émeutes qui éclatent déjà un peu partout, c’est sa véritable formation, non seulement d’artilleur mais de militaire, qu’il reçoit sous la direction de son chef. Né dans une famille de soldats, enfant de la balle, le général du Teil aimait à enseigner. Il avait le goût d’éveiller les intelligences. Il distingua Bonaparte qui fit avec lui son école d’État-Major. Ce ne furent pas seulement les Principes d’artillerie, les méthodes de tir et « la manière de disposer les canons pour le jet des bombes » que le jeune officier acquit à Auxonne, mais ses premières notions de tactique. Ce fut même davantage. Il s’initia à l’art de la guerre et se pé-