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NAPOLÉON

tout ce qui avait, alors, mis la France à deux doigts de l’invasion et de sa perte, se dressera encore contre l’Empire, mais avec un multiplicateur tellement grossi que cette fois le flot ne pourra plus être arrêté. Dans les affaires de Rome, comme dans les affaires d’Espagne, comme bientôt dans l’affaire de Russie, on comprend les raisons immédiates de Napoléon, toujours déduites des circonstances, commandées par le besoin de la solution immédiate. Seulement, c’est ainsi qu’il amoncelle ce qui retombera sur lui pour l’écraser.

Le moment où il rompt avec la papauté n’est pas celui d’un vertige de puissance. Il n’est pas allé à Vienne pour y mener un vain triomphe, mais après réflexion et parce que la Stratégie le lui ordonne. Il y va parce qu’il marche droit aux forces de l’ennemi qui ne sont pas détruites. Ces forces dépassent même les siennes. Il a encore des batailles à livrer et il peut les perdre. Voyons‑le avant les mauvaises journées d’Essling, très exposé, observé de toute l’Europe, abandonné d’Alexandre, et, somme toute, après les fastes de Tilsit et d’Erfurt, assez ridiculement « dupé ». Sa grandeur, s’il est troublé, est de ne pas laisser paraître son trouble, de garder un pouls calme comme celui qu’il faisait tâter après ses grandes colères pour montrer qu’il ne s’emportait que par calcul. Mais il a besoin de maintenir son crédit qui est fait de prestige et un prestige qui est fait de la crainte qu’il inspire. Il défie pour intimider et signifier qu’il ne tremble pas.

Il est pressé d’en finir avec les Autrichiens parce qu’il craint toujours que la Prusse ne se mette en mouvement, parce qu’il n’est pas sûr de la Russie. Une telle hâte qu’on le vit porter lui-même des planches pour la construction du pont sur lequel il devait passer le Danube. « La politique, comme dans toutes les guerres de l’empereur, était à considérer autant que la stratégie. » Mais ici, la hâte, qui était « indispensable » devient de la précipitation, et la préci-