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pour la première fois, libre et grand garçon dans la ville que, de l’École militaire, il avait à peine entrevue.

Visites aux services du contrôle général, attente chez les chefs de bureau, audience du premier ministre, Mgr  Loménie de Brienne, prélat ami des philosophes ; après quoi, le lieutenant se promène à travers Paris. Un soir de novembre, en sortant du théâtre des Italiens, il parcourait les galeries du Palais Royal quand il rencontra « une personne du sexe ». Il lui trouva « un air convenant parfaitement à l’allure de sa personne… Sa timidité m’encouragea et je lui parlai ». C’est ainsi que le futur époux d’une archiduchesse connut la femme. Rentré à son modeste hôtel, il écrit, — car il sent toujours le besoin d’écrire — le compte-rendu de cette rencontre, curieux récit, que l’on croirait cette fois échappé à la plume de Restif de la Bretonne. Mais noircir du papier est chez lui comme une rage. De l’Hôtel de Cherbourg, il datera encore un parallèle entre l’amour de la gloire, qui est le propre des monarchies, et l’amour de la patrie qui n’appartient qu’aux républiques, exemple Sparte et la Corse. Et la Corse reparaît lorsqu’il esquisse une lettre de l’ancien roi de l’île, l’aventurier fantaisiste, Théodore, à milord Walpole pour invoquer la loyauté de l’Angleterre. Ce roi Théodore est celui que Candide avait rencontré dans l’auberge de Venise. Mais notre écrivain ne plaisante pas. Son Théodore est pathétique, et le milord magnanime comme celui de Julie. Walpole arrache Théodore à son cachot de Londres et lui accorde 3.000 livres de pension… L’Angleterre, en 1815, sera moins généreuse avec Napoléon déchu.

De ses démarches, le futur empereur rapporte peu de résultats. À Ajaccio, il retrouve Madame Mère plus que jamais en peine d’argent, parce que le séjour de Paris a coûté cher. À ce moment, elle n’a pas de bonne et elle demande à Joseph, qui