Page:Jacques Bainville - Napoléon.djvu/359

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
354
NAPOLÉON

espoir dans ses projets », dit son message au Sénat. S’il est rentré à Paris au lieu de se porter de sa personne au secours de Joseph pour réprimer l’insurrection espagnole, c’est qu’il a besoin de tranquillité en Europe pour ramener, depuis les bords de l’Elbe, les soldats dont il « inondera » l’Espagne. La sécurité qu’il vient de promettre à l’Autriche, c’est à lui qu’elle est nécessaire. Il la cherche toujours auprès d’Alexandre, après quoi seulement il pourra se retourner du côté de Madrid avec un esprit libre d’inquiétude. Et, pensant tout haut devant Savary : « Si je laisse mon armée en Allemagne, je n’aurai pas la guerre ; mais comme je suis dans l’obligation de la retirer presque en totalité, aurai‑je pour cela la guerre ? » Il ajoutait : « Voilà le moment de juger de la solidité de mon ouvrage de Tilsit. »

Affirmer devant l’Europe l’amitié inaltérable des deux empereurs, l’affirmer avec un éclat qui impose, et puis « me donner le temps de finir avec cette Espagne », c’est l’idée d’Erfurt et de son « parterre de rois », où l’empereur François manque seul. Celui-là n’a pas été invité parce que Napoléon se propose de demander à Alexandre l’engagement de ne pas laisser impunies les menaces de l’Autriche, mais la Cour de Vienne n’a pas manqué d’envoyer ses meilleurs diplomates à ce congrès. Dix-huit jours d’un théâtre prestigieux, de galas, d’une mise en scène somptueuse autant que le décor de Tilsit était nature, moins sincère encore. Les figurants d’Erfurt, ce sont les vassaux de la Confédération germanique dont trois doivent leur couronne à Napoléon. À l’un, pour étonner la table où il nourrit tout ce monde, il lance une fois le fameux : « Taisez-vous, roi de Bavière, regardez l’homme vivant avant de vous occuper de ses ancêtres », qui est du théâtre aussi, mais non de Corneille, de Victor Hugo. Et de même, il se plaît à dire devant ces princes, à la façon d’un Ruy Blas : « Quand