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LE PREMIER NUAGE VIENT D’ESPAGNE

discussion ferme et courtoise, « une tentative pacifique, un effort pour renouer ». On dirait qu’il cherche à convaincre plutôt qu’à intimider, tout en montrant qu’il n’est pas intimidé lui-même : « L’Autriche veut donc nous faire la guerre ou elle veut nous faire peur ? » Et puis : « Vous avez levé 400 000 hommes ; je vais en lever 200 000. Bientôt il faudra armer jusqu’aux femmes. » C’est vrai qu’il va, de son côté, pour être prêt à tout, appeler encore 80 000 conscrits. Il faut que l’Autriche sache bien ce qu’elle risque en le provoquant. Il y a l’alliance russe. Napoléon se croit sûr d’Alexandre. « L’empereur de Russie sera contre vous. » En disant ces mots, Napoléon regardait, pour provoquer son assentiment, l’ambassadeur Tolstoï dont le visage restait de glace. Il poursuivait néanmoins, essayant de séduire l’Autriche en l’associant à un partage de la Turquie, aux grands projets, toujours si brumeux, sur l’Orient. À la fin, comme dans la grande scène de 1803 à Lord Whitworth, radouci, presque bonhomme, cherchant la réconciliation, la confiance : « Justifiez vos dispositions pacifiques par vos actes comme par vos discours. De mon côté, je vous donnerai toute la sécurité que vous pouvez désirer. » Une nouvelle guerre avec l’Autriche, c’est, dans l’instant surtout, la complication la moins souhaitable. Napoléon se sert de tous les arguments pour l’écarter.

Il voit, en France, l’opinion troublée, mauvaise, l’Espagne à soumettre, l’Anglais encouragé, une nouvelle révolution de palais à Constantinople. S’il faut ajouter un conflit avec la cour de Vienne, que deviendra ce qu’il avait conçu comme le résultat de Tilsit ? Est-ce que le grand ouvrage de sa politique ne sera pas remis en question ? Pourtant, c’est encore sur l’alliance russe qu’il se repose, par elle que, dans cette heure d’alarme et de doute, il réconforte les Français. « Mon alliance avec l’empereur de Russie ne laisse à l’Angleterre aucun