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NAPOLÉON

restes de l’escadre française, réfugiés là depuis la défaite de Villeneuve, étaient en péril. Les secours n’arrivant pas, l’amiral Rosily et ses marins durent se rendre à la Junte de Cadix. Ainsi tournaient les espérances de Napoléon qui, six semaines plus tôt, grâce à l’Espagne régénérée, se voyait à la tête d’une flotte égale à celle de l’Angleterre.

« Horrible catastrophe… événement extraordinaire… coup du sort… résultat de la plus inconcevable ineptie… ce qui pouvait arriver de pire… » L’empereur aperçut, dès l’instant où lui arriva la funeste nouvelle, les conséquences de Baylen. Elles devaient dépasser ses craintes. Ce n’était rien que 20.000 hommes perdus. Il en était encore, au temps où il avait « 100.000 hommes de rente  », et, comme disait Thiébault, ce qu’il venait de perdre en Andalousie n’équivalait pas à deux mois de ses revenus. Après avoir exhalé sa colère, menacé Dupont et ses lieutenants du peloton d’exécution, il affecta de ne plus penser à ces « imbéciles ». Mais les Espagnols étaient exaltés d’un succès aussi prodigieux remporté sur la première armée du monde « par des troupes sans réputation et des chefs sans nom ». L’effet moral était immense, décuplait la force de l’insurrection, humiliait et décourageait les Français.

En peu de jours, c’est une débâcle. Joseph, à peine entré à Madrid, et regrettant amèrement son royaume de Naples, prend, à la nouvelle de Baylen, le parti de laisser là son trône et de se rapprocher de la France. « Il ne me reste pas un seul Espagnol qui soit attaché à ma cause », écrit-il à son frère. Et par une comparaison humiliante pour la quatrième race : « Philippe V n’avait qu’un compétiteur à vaincre, moi j’ai une nation tout entière. » Bessières lui-même, le vainqueur de Medina de Rio Seco, se replie vers les Pyrénées. L’empereur adjure tout le monde de tenir, annonce des renforts quand déjà l’Espagne n’est plus occupée que jus-