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LE PREMIER NUAGE VIENT D’ESPAGNE

ou Joseph. Mais Louis, pressenti le premier, répond par un refus. Joseph fait des difficultés. Temps perdu pendant lequel les Espagnols se disent ou se laissent dire que Napoléon veut régner lui‑même, les conquérir, les annexer. La mauvaise volonté des frères est une nouvelle complication et il sera dit que toujours la famille, en desservant celui auquel elle doit tout, se sera desservie elle‑même.

Il y a aussi, pour achever l’illusion de l’empereur, la journée d’émeute qu’il a prévue, qu’il eût mieux aimé éviter (il l’avait assez dit à Murat), mais qui, si elle se produisait, entrait tout de même dans ses calculs comme une occasion de démontrer à l’Espagne la vanité de la résistance. Le 2 mai, le peuple de Madrid s’est soulevé pour s’opposer au départ des enfants qui vont rejoindre la famille royale à Bayonne, quelques soldats français ont été tués et, en peu d’heures, Murat a rétabli l’ordre à coups de mitraille. Non seulement l’empereur se sert de cet événement pour effrayer Ferdinand, l’accusant d’avoir fomenté l’insurrection, le rendant responsable du sang versé afin d’obtenir sa renonciation plus vite, mais il se flatte que les mutins, s’il y en a dans le reste de l’Espagne, se le tiendront pour dit après une répression énergique et rapide. La sédition de Madrid eut bien un effet. Pour comble d’infortune, cet effet acheva de tromper l’empereur. La bourgeoisie madrilène avait eu peur des sanglantes manifestations de la populace et souhaité qu’une autorité établie par les soins des Français en prévînt le retour. Elle pesa sur la junte pour qu’une délégation se rendît à Bayonne et offrît le trône à Joseph. La mitraille de Murat, les têtes coupées au vol par les terribles mamelouks lancés au galop sur la foule, cette « correction » semblait avoir été bienfaisante, tandis que la nouvelle, propagée à travers l’Espagne, allumait l’insurrection et l’esprit de vengeance. Supposons qu’après le guet-apens du Zappeïon et, en repré-