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CHAPITRE XVII

LE PREMIER NUAGE VIENT D’ESPAGNE


Pour comprendre l’affaire espagnole sous le règne de Napoléon, il suffit de se rappeler les affaires grecques pendant la guerre européenne. Les Alliés, en 1917, avaient besoin, pour l’expédition de Salonique, des ports, des côtes, des routes, des ressources de la Grèce. Il fallait que ce pays ne fût pas toujours sur le point de passer du côté de l’ennemi et de frapper les Alliés dans le dos. Pour que la Grèce fût sûre, il fallait être sûr de son gouvernement. C’est pourquoi, à la fin, le roi Constantin fut sommé d’abdiquer. De même, pour la guerre avec les Anglais, pour l’expédition de Portugal, Napoléon avait besoin que l’Espagne fût entre des mains non seulement amies et fidèles, mais fermes. Toutefois, Charles IV était son allié. Le seul crime de ce roi, c’était sa faiblesse, ses trahisons, celles de Godoy, ses intrigues, celle du prince des Asturies. Lui-même ne donnait pas de sujet de plainte. Le déposer par la force était difficile. C’eût été odieux. Napoléon en était réduit à temporiser et à ruser. Il crut avoir fait un coup de maître lorsque, les événements aidant et ne le servant que trop bien, il eut obtenu que Charles IV lui cédât ses droits au trône et que le prince des Asturies en fît autant. Alors la satisfaction d’avoir trouvé la solution la moins brutale et la moins coûteuse lui inspira une confiance qui succéda d’une manière funeste à de longues précautions.