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NAPOLÉON

pereur n’en est pas encore au jour où il décidera que les Bourbons d’Espagne ont cessé de régner. S’il a renversé ceux de Naples, c’est parce qu’il les a toujours trouvés parmi ses ennemis. Il n’est pas dans sa politique de multiplier les révolutions puisque le résultat qu’il cherche, c’est de fédérer l’Europe, qu’il prend comme elle est et qui est monarchique. Il n’est pas de son intérêt de détrôner sans besoin des maisons régnantes. Et à quel moment ? Devenu l’allié du tsar, il se rapproche de l’Autriche, il cousine et fraternise avec les représentants des grandes royautés historiques, et, rien que pour expulser de Lisbonne les Bragance, il est obligé de prendre avec la cour de Vienne des précautions.

Il lui faudra même quelque temps pour qu’il en arrive à se convaincre que cette famille royale d’Espagne n’est que pourriture, que ses dissensions jetteront l’État espagnol dans le chaos, achèveront de le ruiner, en rendront l’alliance de nul prix, si elles ne le livrent pas aux Anglais. L’imitation de Louis XIV, avec un Philippe V tiré de la quatrième dynastie, cela ne se ferait pas non plus à volonté. Avant que le duc d’Anjou régnât en Espagne, il avait fallu le trône sans héritier et le testament qui désignait le petit‑fils du grand roi. Napoléon eût‑il désiré la couronne d’Espagne pour un de ses frères que le prétexte et l’occasion eussent manqué. Le sort voulut qu’un drame de famille à l’Escurial les apportât. Si l’on admet ( et comment ne pas l’admettre ?) que l’Espagne a été la fosse de l’empire napoléonien, on doit reconnaître aussi qu’un destin funeste y a poussé Bonaparte. Lui qui croyait à son étoile, il a eu là son astre noir. Il a fallu, pour l’introduire sans retour dans les affaires espagnole, des circonstances romanesques, un imbroglio dont les suites ne pouvaient être prévues.

Au mois d’octobre 1807, en même temps que l’armée franco-espagnole de Junot commence la marche sur Lisbonne, en exécution du traité de Fontaine-