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L’OUVRAGE DE TILSIT

a bombardé et à peu près détruit Copenhague afin de terroriser les neutres et faire craindre aux rivages de Russie le même sort. Le 11 novembre, un décret du cabinet de Londres oblige les navires des pays non-belligérants à passer par les ports anglais pour y payer une taxe ou pour y prendre des marchandises sous peine d’être déclarés de bonne prise. Arbitraire évident des « tyrans des mers ». Il n’est que juste de dire que « Napoléon se crut tout permis puisque l’Angleterre se permettait tout à elle‑même ». La riposte au décret de Londres fut, le 17 décembre, le décret de Milan, qui renforçait les règles du blocus continental et exposait à la saisie les bâtiments, quels qu’ils fussent, qui auraient touché en Angleterre.

Il faut voir ici les choses dans leur enchaînement et dans leur suite, le duel franco-anglais avec l’inégalité qui résultait pour la France du fait que l’Angleterre était, depuis Trafalgar, maîtresse incontestée de la mer, tandis que Napoléon ne serait jamais le maître complet du continent. Il s’épuiserait, n’ayant d’autre ressource, à la tâche impossible de rallier toutes les nations d’Europe, de les associer à une guerre dont l’enjeu, qui ne variait pas, était la Belgique et la rive gauche du Rhin. Il comptait, pour fédérer avec lui les peuples, sur la tyrannie maritime de l’Angleterre, ses exactions, ses attentats au droit des gens. Un seul pays, à la fin, s’insurgera, déclarera la guerre aux Anglais au nom de la liberté du commerce, mais pour son compte, sans la moindre liaison avec la France et sans moyens suffisants pour que son concours indirect soit utile. Ce seront les États-Unis d’Amérique qui n’étaient pas alors une grande puissance. Mais les nations européennes, convoquées à la lutte pour leur indépendance, éprouvent déjà beaucoup plus les effets du blocus terrestre que les effets du blocus maritime. L’Angleterre saisit des navires au loin. La France met ou fait mettre des douaniers partout, de sorte que la contrainte