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NAPOLÉON

Et c’est vrai encore que toutes ses pensées s’ordonnent désormais par rapport au blocus continental, c’est-à-dire au blocus de l’Angleterre, devenu et proclamé « principe fondamental de l’Empire ». Le moment viendra très vite où l’empereur ne dirigera plus le système, où il en sera le prisonnier comme d’une machine qui aura échappé à sa direction, qu’il ne gouvernera plus et qui le gouvernera. Sur l’heure même, la tâche à remplir, telle que Napoléon la voit de Berlin en ce mois de novembre 1806, est simple si elle n’est pas facile. La Prusse, il la tient. Mais son roi s’obstine. Quand il sera menacé à Kœnigsberg, il fuira jusqu’à Memel, encore plus près d’Alexandre, sur la victoire duquel il veut compter. Alexandre ne se résigne pas non plus ; il brûle de prendre sa revanche d’Austerlitz. Alors Napoléon songe à ceci. Quand le tsar aura perdu cette autre guerre, qu’il a déclarée, il comprendra enfin l’inutilité de la lutte. Il comblera le vœu d’un adversaire qui ne désire que de l’avoir pour allié. Avec l’alliance de la Russie, qui entraînera celle de la Prusse, le blocus continental cessera d’être « sur le papier ». Étant donné les territoires que la France possède ou occupe déjà, les alliés qu’elle compte, l’Europe, fédérée contre les « tyrans de mer », leur sera vraiment fermée, la capitulation définitive de l’Angleterre deviendra une affaire de temps. On pourra même reprendre les opérations navales. Ce plan est encore très bien expliqué par Napoléon à son frère Louis. Dans les circonstances présentes, c’est « folie que de vouloir s’obstiner à lutter sur mer ». Il en sera autrement dans quatre ou cinq années « parce que, à cette époque, les puissances combinées pourront réunir des escadres nombreuses si, comme il y a lieu de le penser, on jouit dans cet intervalle d’un moment de paix ».

Il s’agit donc de « combiner » les puissances, en d’autres termes de liguer l’Europe contre les An-