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NAPOLÉON

paix d’Amiens, prouvait que la lutte était devenue sans merci. Durant l’accord éphémère de Napoléon et de Frédéric-Guillaume, l’Angleterre avait déclaré la guerre à la Prusse, non pas à cause du Hanovre, mais parce qu’une des clauses du traité d’alliance était la fermeture des ports prussiens au commerce britannique. Le point sensible était là. Maître de la Prusse, Napoléon l’était aussi de fermer aux Anglais une nouvelle entrée de l’Europe. Atteindre « Carthage » dans sa vitalité, dans son commerce, riposter par des prohibitions à ses offensives, il y avait, nous l’avons vu mais il est nécessaire de le répéter, des années que la France de la Révolution ne faisait pas autre chose. Napoléon, dans toute sa puissance, n’a rien trouvé de plus ni de mieux que la Convention et le Directoire pour lutter contre les dominateurs de la mer. Il avait agrandi jusqu’à la conception du camp de Boulogne la vieille idée d’une descente dans les îles ennemies. Fort de sa carte de guerre, il élargit les représailles économiques jusqu’au blocus continental.

Représailles est le mot exact, puisque, de son côté, l’Angleterre a déjà déclaré en état de blocus la France et ses annexes. Blocus « sur le papier », et ici c’est une controverse séculaire qui monte à l’exaspération. Les Anglais prétendent bloquer, par décret, les ports et les rivages devant lesquels ils n’ont aucune force navale. D’où suit le droit, qu’ils s’arrogent, d’interdire, même aux neutres, le commerce avec leurs ennemis. Napoléon retourne le système. Par décret aussi, daté de Berlin, il interdit le commerce avec l’Angleterre pour la France, les pays dépendants ou alliés de la France et les territoires occupés, et des sanctions rigoureuses, des saisies équivalant au droit de prise devront être prononcées contre tous ceux qui braveraient l’interdiction.

« Répondre à la clôture de la mer par celle de la terre », ce n’est pas seulement l’imagination lo-