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NAPOLÉON

regardait comme nécessaire à son système, qu’il croyait bien tenir, au moins par la crainte. Jusqu’au dernier moment, il s’est efforcé d’éviter la rupture. Le 12 septembre, il écrit à Frédéric‑Guillaume que cette guerre serait une guerre sacrilège. Il ne craint pas d’ajouter, comme pour le fléchir ; « Je reste inébranlable dans mes liens d’alliance avec Votre Majesté. » Le même jour, il mande à Laforest, son représentant à Berlin : « L’empereur désire véritablement ne pas tirer un coup de fusil contre la Prusse. Il regardera cet événement comme un malheur. » La Prusse lui envoie un ultimatum, le somme d’évacuer l’Allemagne avant le 8 octobre, c’est‑à‑dire de renoncer aux résultats d’Austerlitz et de la paix de Presbourg. La réponse est et ne peut être qu’une entrée en campagne foudroyante, car, derrière la Prusse, il y a la Russie. À Potsdam, devant le tombeau du grand Frédéric, le tsar a promis son alliance, juré fidélité au Hohenzollern et à la belle reine Louise dont il est le chevalier servant. Il faut donc que les Prussiens soient battus avant que les Russes aient eu le temps d’entrer en ligne. C’est la même situation que l’année d’avant avec l’Autriche. Il sera plus économique de prévenir la jonction de ces nouveaux alliés pour décomposer Austerlitz en deux temps. Et la réponse à l’agression prussienne, c’est aussi le bulletin de la Grande Armée, un des plus étonnants exemplaires de cette littérature à l’usage du troupier, avec des effets de théâtre, un dialogue où Napoléon se met en scène : « Maréchal, dit l’empereur au maréchal Berthier, on nous donne un rendez‑vous d’honneur pour le 8 : jamais un Français n’y a manqué ; mais, comme on dit qu’il y a une belle reine qui veut être témoin du combat, soyons courtois, et marchons, sans nous coucher, pour la Saxe. » Puis la romantique apostrophe à la reine de Prusse : « Il semble voir Armide dans son égarement mettant le feu à son propre palais. »