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24 NAPOLÉON seront jusqu’à la fin de servir l’usurpateur qui pourtant leur ouvrait de nouveau la France et l’armée. Mais enfin, mieux encore qu’à Brienne, Bonaparte, à Paris, aura approché l’aristocratie française. Par contraste, et sur le moment, ces fréquentations avaient peut-être développé les sentiments républicains du pauvre cadet corse. Peut-être aussi lui en avaient-elles imposé à son insu. Peut-être lui donnèrent-elles l’idée de fonder une noblesse à son tour. Il avait une certaine fierté de s’être frotté dans sa jeunesse à des fils de ducs, et se comparant à Hoche, qui n’avait point passé par les écoles du roi, il ne se flattait pas seulement d’avoir eu sur ce rival, dont le souvenir l’irritait, la supériorité de l’instruction, mais encore « l’avantage d’une éducation distinguée ».

À l’École militaire, il eut une amitié, le jeune des Mazis, qui pourtant émigrera, et un ennemi, Phélipeaux. Avec Phélipeaux, Vendéen, il échangeait des coups de pied sous la table, à l’étude. Il retrouvera Phélipeaux devant lui au siège de Saint-Jean-d’Acre. Pour le reste, son passage à l’École militaire ne marqua pas beaucoup. Ses maîtres lui reconnurent du feu, de l’intelligence, quelques-uns se vantèrent par la suite d’avoir discerné son génie. Sa réputation de brillant élève était si peu établie que le professeur d’allemand fut étonné d’apprendre que celui qu’il prenait pour une bête était excellent en mathématiques.

C’est pendant l’année de l’École militaire, en février 1785, que Charles Bonaparte mourut. Un cancer de l’estomac, ou, comme on disait alors, un squirre, qui emportera aussi le prisonnier de Sainte-Hélène. Charles Bonaparte n’avait pas encore trente-neuf ans. Il était venu à Montpellier pour consulter les médecins d’une Faculté renommée. Joseph et le séminariste Fesch étaient auprès de lui. Si l’on doit les croire, l’agonisant aurait prophétisé que Napoléon vaincrait l’Europe. En attendant, il