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L’ÉPÉE DE FRÉDÉRIC

par système, on promet à la maison de Brandebourg l’héritage de la maison d’Autriche, la prééminence dans une confédération de l’Allemagne du Nord, et, par surcroît, la couronne impériale transférée des Habsbourg aux Hohenzollern.

Cette triple négociation, ces savants calculs dont la fin va être piteuse n’occupent que deux ou trois mois de l’année 1806 et du règne et n’en ont pas moins d’importance. Napoléon, après les succès « étourdissants » inattendus, d’Ulm et d’Austerlitz, qui mettent l’Europe centrale à sa discrétion, s’estime très modéré quand il offre ses conditions de paix. Il a élargi la ceinture de la France, portée à cent dix départements, pour protéger les conquêtes que la Révolution lui a léguées et qu’en montant sur le trône il a juré de défendre. Il lui paraît naturel de négocier sur cette base, tout aussi naturel qu’il paraissait déjà à la Convention et au Directoire de faire la paix avec leur carte de guerre, d’autant plus naturel que les Anglais et les Russes affectent de marchander au sujet de la Dalmatie et de la Sicile comme si, d’Amsterdam jusqu’à Naples, le reste n’était même plus en question. Napoléon ne s’aperçoit pas du piège qui lui est tendu, qui le sera jusqu’à la fin, et qui consiste à rejeter les torts de son côté, à mettre en relief ses prétentions, à dénoncé son ambition comme un danger universel. Tandis que l’Angleterre feint de causer, d’examiner toutes les hypothèses, elle prépare en secret une levée de boucliers, une quatrième coalition. Alors se produit un événement que personne n’a calculé, la Prusse qui part en guerre, toute seule, et qui vient, en somme, par cette agression, déguiser l’échec mortifiant de Talleyrand, de son maître, de leur diplomatie, rappeler Napoléon à l’activité du chef de guerre et lui ouvrir de nouvelles illusions avec de nouvelles victoires.

Il avait été, dans ces tractations, mystifié du com-