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AUSTERLITZ MAIS TRAFALGAR

la veille au soir, acclamant le « petit caporal » qui passe à travers les bivouacs, improvisant des illuminations pour l’anniversaire du 2 décembre, jour du couronnement, puis, au matin, le grand capitaine nimbé par les rayons d’un soleil d’hiver qui annonce une de ses plus belles victoires. À la vérité, Napoléon eût préféré que les Russes, voyant l’Autriche vaincue, s’en tinssent là. Puisqu’ils voulaient se battre, mieux valait que ce fût tout de suite, car le temps ne travaillait pas pour lui, il était fort aventuré en Moravie, à quarante lieues de Vienne, grande ville difficile à garder si le moindre échec survenait, tandis que les archiducs pouvaient encore amener des renforts de Hongrie et que la Prusse armait. Les Russes, en attaquant trop tôt, tirèrent Napoléon d’embarras. Ils l’attaquaient en outre sur un terrain qu’il avait soigneusement étudié, de sorte qu’il put dire, avec assurance, aux premiers mouvements de l’ennemi : « Cette armée est à moi. »

C’était sa quarantième bataille et, pour la première fois, il se mesurait avec les soldats de Souvarof et de Koutousof, en présence d’Alexandre et de François. Bataille des trois empereurs, triomphe éclatant, la Garde russe anéantie, cent mille hommes coupés ou dispersés en moins de quatre heures. « Ce qui a échappé à votre fer s’est noyé dans les lacs », disait, après la victoire et le fameux : « Soldats, je suis content de vous », la proclamation qui se termine par l’apostrophe : « Il vous suffira de dire : j’étais à la bataille d’Austerlitz, pour que l’on réponde : Voilà un brave. »

Style emphatique, bien fait pour frapper les esprits avec ce romantisme bourgeois et peuple, ce genre « sujet pour dessus de pendule » et « pompier » dont Bonaparte a trouvé le secret. En lui-même, il s’applaudit moins du coup d’œil, de la sagacité et de la décision qui lui ont donné la victoire que de l’heureuse circonstance qui l’a sauvé d’un péril alors qu’il a dû, à son corps défendant, s’aven-