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AUSTERLITZ MAIS TRAFALGAR

loin devant eux et comme l’avenir est caché à ceux qui sont dans l’action ! Pourquoi Napoléon ne s’y tromperait-il pas ? Pitt est malade de chagrin lorsqu’il apprend Ulm et Austerlitz qui, pour lui, effacent Trafalgar, alors que, dans la vérité, Trafalgar, qui est définitif, annule Ulm et Austerlitz, qui seront toujours à recommencer.

Napoléon marchait sur Vienne lorsque la nouvelle de la catastrophe lui parvint. Il n’en parut pas affecté, en marqua plus de « déplaisir » que de tristesse ou de colère, ne demanda que le silence sur l’événement. Il ne voulut ni récompenser ceux qui, dans la bataille, s’étaient comportés avec bravoure ni punir ceux qui n’avaient pas fait leur devoir. Villeneuve lui-même fut comme oublié et, par ce blâme muet, sentit plus fortement qu’il ne lui restait qu’à disparaître. Cependant, il n’est pas douteux (le contraire ne serait pas possible), que les calculs de l’empereur furent modifiés par cet événement. Les échecs de Boulogne et Trafalgar lui firent désirer davantage des alliances sur le continent et le déterminèrent à les obtenir.

Si la campagne rapide qui s’était terminée par la capitulation d’Ulm lui ouvrait le chemin de Vienne, s’il avait la satisfaction, que n’avait pas obtenue le grand Frédéric, d’entrer en vainqueur dans la capitale autrichienne, s’il logeait au palais impérial de Schoenbrunn, cette guerre n’était pas finie. L’Autriche avait encore des forces à lui opposer et celles de la Russie étaient intactes. La Prusse, dont le roi était lié d’amitié avec le tsar et subissait son influence, pouvait, d’une heure à l’autre, se joindre à la coalition. Napoléon était trop un homme du XVIIIe siècle pour ne pas admirer la Prusse du grand Frédéric, pour ne pas, comme les révolutionnaires eux-mêmes, rechercher son amitié. Il l’avait d’ailleurs, dans les partages d’Allemagne, comblée de faveurs afin qu’elle reconnût les agrandissements de la France et il espérait se l’être at-