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AUSTERLITZ MAIS TRAFALGAR

ceux de la guerre nouvelle, une gêne d’argent aggravée par les méfaits des munitionnaires et des spéculateurs, un malaise qui sera bientôt une crise, presque une panique, les billets de la Banque menacés de tourner aux assignats. En revenant de Boulogne, il a trouvé Paris froid, sans acclamations, et, dans les rues, une nuance de blâme que prononcent le commerce, qui ne va pas, la finance, très éprouvée, les gens d’affaires prompts à l’accuser d’avoir provoqué la coalition par ses annexions d’Italie. Alors la force qui n’est pas dans le principe de sa monarchie, il ne la puise que dans ses origines, et, quand il s’agit de demander à la France un effort militaire, d’obtenir une levée d’hommes, — c’est le cas, on appelle 80 000 conscrits de 1806 — Napoléon n’est plus le souverain qui, déjà, à ses moindres billets met la formule qui agace plus d’un de ses généraux : « Sur ce, je prie Dieu qu’il vous ait en sa sainte et digne garde. » Il ranime les passions révolutionnaires, il en parle le langage. Dans son Conseil d’État, avant de se rendre à Strasbourg, il a promis, comme un girondin ou un montagnard, de « briser cette odieuse maison d’Autriche ». Son trône même, il en fait hommage à la nation : « Je n’y suis que par sa volonté. Je suis son ouvrage. C’est à elle de le maintenir. » Et ce n’est pas de la vaine littérature que ce réchauffé de style républicain. Moins violent qu’avant Marengo, cependant perceptible, il y a un renouveau d’opposition, non seulement chez les derniers amis de Moreau, non seulement au faubourg Saint-Germain qui fronde, parmi les ralliés prêts à s’affranchir, mais la chouannerie se réveille, des foyers d’insurrection sont signalés dans l’Ouest et le Midi. Rentré en grâce, redevenu ministre de la Police, Fouché, heureusement, est là, évente les complots naissants, fusille quelques agents royalistes et tend lui‑même des fils si compliqués qu’il réussit à passer pour un homme dont Louis XVIII pourrait faire quelque