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AUSTERLITZ MAIS TRAFALGAR

n’est plus que « l’excès » des conquêtes, mot vague, élastique, et qui, déjà, ne semble mettre en cause que « l’ambition » de l’empereur. On peut comprendre qu’il s’agit de la Hollande, de la Suisse, du Piémont, comme des annexions ultérieures, et non de la rive gauche du Rhin ni de la Belgique. Pourtant c’est là que l’Angleterre veut en venir. Les articles secrets du 11 avril 1805 définissent exactement les anciennes limites, expression dont le sens est rigoureux. Mais on n’en parlera pas tout de suite. C’est l’exigence qui sera réservée pour la fin, après une série d’offres lancées à grand bruit, puis retirées de la discussion et toujours réduites à mesure que la France s’épuisera, que la fortune des armes sera plus favorable à ses adversaires. Alors, en proposant à Napoléon les choses mêmes qu’il ne peut pas accepter, on le fera apparaître comme un ennemi du genre humain, on le séparera de la France, avec laquelle, d’autre part, on se déclarera prêt à traiter, mais sans lui.

En germe, 1813 et 1814 sont là. Ce n’est pas tout. On dirait que la sagacité de Pitt a prévu, embrassé l’ensemble de cet avenir. Loin de mépriser son adversaire, il pressent que ce sera une tâche longue, difficile de le vaincre, que Napoléon, avant d’être renversé, remportera bien des victoires, mettra hors de combat plus d’un des coalisés, signera avec eux des traités de paix, peut-être des alliances. D’avance il faut que tout cela soit nul. L’Angleterre, qui n’est pas sûre des autres, est sûre d’elle‑même. Alors elle stipule qu’il n’y aura de paix reconnue, de paix véritable, qu’à l’unanimité, du consentement de tous les membres de la Ligue, c’est-à-dire du sien, quand un congrès aura fixé les prescriptions du droit des gens, établi en Europe un système fédératif pour prévenir le retour des guerres. Un congrès. Voilà celui de Vienne en perspective. Un système fédératif, ce sera, après le pacte de Chaumont pour mettre Napoléon au